Pour Jacques Thomman « Peindre, c’est créé sur la toile un espace qui va bouleverser l’espace auquel j’appartiens.
Quel que soit le sujet, le mécanisme est le même : je suis devant ma peinture : forme, ligne et couleur relèvent du chaos : je me bats, c’est plat, je détruis et soudain la lumière fait irruption et l’espace du tableau se met à exister, et je lui appartiens physiquement. Je le reconnais, c’est l’espace que je porte en moi. Il me renvoie mon intériorité comme le miroir me renvoie mon image. Cet espace mental à trois dimensions ne cherche pas l’illusion de la réalité, la négation de la surface pour la profondeur : c’est un espace de contemplation. Cézanne m’a fait comprendre beaucoup de choses : chez lui tout est peint à la surface, et pourtant tout trouve son plan dans l’espace poétique de la représentation. Le nuage est peint à la surface et pourtant il est loin, sans perspective atmosphérique ; mais par le jeu de plan de couleurs qui installent l’espace, il est près et il est loin, à la surface et dans l’espace à la fois../
Mais au-delà de l’amour du sujet, au-delà de l’amour de la peinture, il y a contemplation de l’espace pour lui-même, du rien du vide, de l’innommable. Se suspendre devant le mystère de cette incarnation et s’apercevoir qu’aucune pensée ne vient à l’esprit. Contempler dans le silence le plus total de la pensée, la vision de cet espace incarné. »
Jacques Thomann
